Histoire de Vie de Christelle

Histoire de Vie de Christelle

UNE BATAILLE QUI EN VAUT LA PEINE 

Lorsque j’ai rencontré Marcel,  il y a maintenant 23 ans, c’était le prince charmant qui me libérait de la Co-dépendance de la dépression de ma mère.

Sa consommation d’alcool  était comme tous les jeunes de notre âge (festif) et elle me paraissait normale.

Avril 1997, naît Maxime. Pendant ma grossesse Marcel se voit retirer son permis pour conduite en état d’ivresse. Ce jour là, je prends conscience qu’il a un problème avec l’alcool, la fin de ma grossesse fut source d’angoisses.

Maxime est là et nous devons assumer notre rôle de parents. Ce n’est pas toujours facile, les absences, les mensonges, les dépenses, les disputes, les promesses de Marcel se font de plus en plus nombreuses.

Maxime est encore petit il ne se rend pas bien compte de la situation car Marcel assume son rôle de père du mieux qu’il peut.

Mais j’ai des œillères devant les yeux, dans les moments où il semble mieux, je me dis « il n’est pas malade, ça va passer ».

 Début 2000, Marcel est en arrêt pour  maladie professionnelle. Comme à chaque fois qu’il se retrouve à la maison (vacances, arrêt maladie, week-end) ses états d’ivresses augmentent, ainsi que  mon inquiétude. Nous décidons cette année là de faire construire, pensant que les travaux l’occuperaient et par la même occasion l’empêcheraient peut être de boire. Que d’illusions!!!

 Février 2002, naît Mallory, nous sommes ravis d’avoir fille et garçon, tout pour nous rendre heureux, mais ce n’est pas le cas.

Marcel va de plus en plus mal, maintenant la dépression est présente.

Malgré mon orgueil car je n’en parle à personnes et me sentant impuissante, je me confie à ma famille qui on conscience du problème et qui n’osait pas m’en parler.

  Marcel se détruit chaque jour d’avantage en nous entraînant avec lui dans sa déchéance. Je savais que l’alcoolisme était une maladie, mais comment faire pour qu’il l’accepte ?

 2003, Maxime a 6 ans et Mallory  1an. Maxime est très mature pour son âge, il se rend compte que son père multiplie les absences, qu’il s’endort souvent sur le canapé et que la violence verbale  est de plus en plus présente entre nous, voir même vis-à-vis de lui. Dans ses moments là, je le console et je  lui explique que son papa est malade et que ce n’est pas de sa faute. Mais ce n’est qu’un enfant et lui tout ce qu’il voit ce sont ses copains qui jouent, qui sortent, et qui regardent la télévision avec leur papa.

Un samedi matin où Marcel est encore absent pour un prétexte “bidon” et que l’inquiétude me gagne, Maxime me dit ces paroles qui me font  réagir : « Maman j’en ai marre d’avoir un père comme ça, je préfèrerais avoir un  papa comme celui d’Alexandre, lui au moins joue avec son fils! ». Au plus profond de moi, ses paroles m’ont blessée et là je me suis dis que pour les enfants cela ne peut plus durer, il faut absolument que je trouve une solution.

Je le harcelais dès qu’il semblait aller mieux pour qu’il se soigne, mais c’était peine perdu car il affirmait que c’était moi qui était malade.

Je me suis donc renseignée dans différents lieux (à l’hôpital, chez le médecin, …), pour trouver de l’aide.

Un jour j’ai remarqué  dans la salle d’attente de mon médecin la revue de «  la Croix d’or » de l’époque, relatant différents témoignages de parcours de malades alcooliques  abstinents et je me suis dit: “ils vont pouvoir m’aider”. J’ai  pris contact avec le responsable de la section de Chemillé (Guy Vincent), c’est sa femme Thérèse qui m’a écouté, rassuré, je me suis sentie comprise et soulagée de pouvoir échanger avec une personne qui avait vécue des situations semblables. Par la suite Guy est venu dialoguer avec Marcel, il l’écouta  par contrainte et juste pour que je le laisse tranquille. Je me suis rendu également au centre d’alcoologie de Cholet où il m’a accompagné par devoir car je ne le sentais pas concerné.

 Début 2004, Marcel finit par accepter de faire une cure de sevrage au service d’alcoologie du Centre hospitalier de Cholet. Bien plus tard, j’ai su qu’il y était allé simplement pour que je le laisse tranquille.

Mais ce passage à l’hôpital ne fut pas un total échec car malgré son déni de la maladie, il a  perçu ce qu’était la dépendance à l’alcool et surtout que s’était une maladie. Je pense que cela lui a permis de déculpabiliser et d’avancer.

Lors de cette prise en charge, il lui a été proposé de participer à un groupe de paroles  d’Alcool Assistance où il a fait la connaissance de malades qui par la suite l’ont accompagné régulièrement aux groupes de paroles .J’ai également été invité dans le service d’alcoologie à  venir échanger avec  les infirmières, j’ai pu verbaliser mes inquiétudes et poser mes questions. Je me suis pareillement mise en relation avec des personnes du groupe de paroles de l’entourage d’Alcool Assistance du lieu d’Accueil de Chemillé. Elles m’ont apportées du soutien, du réconfort, elles m’ont aidée à reprendre confiance en moi et surtout elles ne m’ont jamais jugée. Elle  me répétait régulièrement :   « Ne va pas trop vite, laisse le temps au temps ».

Deux mois après son sevrage Marcel s’est ré alcoolisé, il pense qu’il est guéri et qu’il peut gérer sa consommation d’alcool. Je me suis dis « la galère est repartie ». Mais j’ai pris courage et avec l’aide des nouveaux  amis d’Alcool assistance je n’ai pas baissé les bras, je me suis dit Marcel c’est quelqu’un de bien et je ne laisserais pas l’ALCOOL nous  détruire. Malgré tout il a continué à participer aux groupes de paroles et cheminer doucement.

 Décembre 2004, il nous fait le plus beau cadeau à moi et aux enfants, il se  reconnait malade et décide après les fêtes de Noël de retourner faire une cure de sevrage afin de vaincre cette maladie.

Depuis le 4 Janvier 2005, Marcel n’a plus consommé une goutte d’alcool. Je l’ai soutenu du mieux que j’ai pu en étant à son écoute, en lui restituant ses responsabilités au sein de notre famille, en le valorisant, en lui redonnant  confiance en lui .Au début ,ce n’est pas toujours facile, mais l’accompagnement que j’ai trouvé dans les groupes de paroles d’entourage m’ont beaucoup apporté, ainsi que nos amis d’Alcool Assistance qui dans ces moments là ont été d’un grand soutien. La famille et nos amis les plus proches ont été très à l’écoute également.

Moi même et les enfants sommes très fières de Marcel, car nous avons conscience que cela n’a pas été facile de redémarrer cette nouvelle vie sans Alcool. Depuis son combat est de prévenir les jeunes des risques d’une consommation excessive ainsi que d’accompagner les malades alcooliques à trouver la route de l’abstinence. Je  continue également à participer régulièrement aux groupes de paroles d’Alcool Assistance, étant un lieu d’échange, d’écoute et ceci  en toute confidentialité et convivialité.

De cette période je n’ai envie de retenir que les points positifs, qui m’ont permis de m’épanouir professionnellement en effectuant une formation dans le médico-social, j’ai également appris à penser à moi et à m’affirmer, j’ai évolué dans mon mode de communication et ceci par le biais de formations  proposées par Alcool Assistance.

 Je voudrais dire à tout ceux ou celles qui se battent encore contre cette maladie, ne baissez pas les bras car cela en vaut vraiment la peine. Mais avant tout pensez à vous, protégez vous. Pour mieux aider le malade il faut d’abord se soigner soi-même, car nous devenons co-dépendant de cette maladie sans s’en rendre compte.

 Je désirerais avant tout remercier Marcel du bonheur qu’il nous donne chaque jour, et par la même occasion exprimer toute la fierté que je porte à son écart.

Je  remercie aussi tous les amis d’Alcool Assistance qui nous ont soutenus et fait confiance. Je suis également reconnaissante envers toute notre famille et amis, d’avoir été présents lors de ces moments difficiles.

Je terminerais ce témoignage par une citation : « Le passé n’est plus, le futur n’est pas, croquons le Présent à pleines dents ».                                        

Témoignage de Christelle JARDIN

Lieu d’Accueil de Chemillé

Mars 2015